La lecture : comment (re)donner le goût de lire aux enfants ?

Il y a, dans l’enfance, des moments suspendus : un parent qui lit à voix basse, une lampe allumée plus tard que prévu, un enfant qui « veut encore une page ». Ces instants, simples et discrets, construisent des lecteurs. Pourtant, beaucoup de parents s’inquiètent : « Il n’aime pas lire », « Elle ne finit jamais ses livres », « Il préfère les écrans ».
Bonne nouvelle : l’envie de lire n’est pas perdue. Elle se ravive, avec douceur, curiosité et liberté.

Les enfants lisent-ils vraiment moins ?

Pas forcément. Les chiffres du ministère de la Culture (Étude sur les pratiques culturelles des Français – CREDOC, 2023) nuancent les idées reçues et montrent surtout que les enfants lisent autrement. Jusqu’à 11–12 ans, ils lisent en général volontiers. C’est l’entrée dans l’adolescence qui marque un tournant : vie sociale, écrans, réseaux prennent le relais. Les copains d’abord ! Et la lecture passe souvent au second plan.

Ce n’est pourtant pas un rejet du livre, mais plutôt une concurrence d’attention. Le phénomène Harry Potter l’a prouvé : des millions d’enfants ont lu les 7 tomes de la saga avec passion. Le succès mondial de la série (traduite en plus de 80 langues et vendue à plus de 500 millions d’exemplaires !) a agi comme un déclencheur, transformant des non-lecteurs en dévoreurs passionnés.

L’univers d’Harry Potter a suscité chez les jeunes – et chez leurs parents – une lecture autonome et soutenue : l’attente de chaque nouveau tome a créé une habitude durable et a popularisé toute la littérature de fantasy jeunesse.

Ainsi, la clé n’est pas la contrainte, mais la résonance. Quand une histoire parle à l’enfant, il lit sans qu’on le lui demande. Le défi n’est donc pas de faire lire, mais de faire aimer lire.

Pourquoi lire est essentiel

  • La lecture est un atout pour grandir

Une étude publiée dans le Journal of Educational Psychology montre que la lecture régulière améliore la compréhension en lecture chez les enfants. Ce constat est corroboré par une étude française de 2023, qui souligne que la lecture régulière améliore la compréhension des consignes scolaires. Les enfants lecteurs comprennent et suivent mieux les instructions en classe, ce qui facilite leur apprentissage et leur réussite scolaire.

L’Université de Sydney souligne que la lecture quotidienne expose les enfants à un large éventail de vocabulaire, de structures de phrases et de genres, améliorant ainsi leurs compétences en communication. Le programme éducatif Vocanet développé en France pour l’enseignement systématique du vocabulaire, a démontré que l’apprentissage méthodique du vocabulaire améliore la compréhension du monde par l’enfant et renforce sa confiance.

Les chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley constatent que la lecture engage activement le cerveau et améliore la mémoire, la concentration et réduit le stress. En France, le programme éducatif EMOTIMAT utilise la lecture pour aider les enfants à identifier et à exprimer leurs émotions. Les résultats montrent que la lecture de livres à contenu émotionnel augmente la compétence émotionnelle des enfants, et les aide à gérer leurs sentiments.

  • Le livre, un refuge dans un monde pressé

Au-delà de ces bénéfices cognitifs, la lecture offre un refuge. Dans un monde rapide, saturé d’images, le livre impose un autre rythme — plus lent, plus intérieur. La lecture enseigne le temps long et la patience, une qualité dont manquent souvent les enfants d’aujourd’hui !

Lire, c’est aussi ouvrir un espace à soi, une petite bulle personnelle entre l’ouvrage et le lecteur. C’est apprivoiser le silence, se fabriquer des images, stimuler son imagination. C’est également l’occasion de vivre d’autres vies que la sienne : devenir héros au grand cœur ou méchant redoutable, voyager, découvrir, aimer ou se battre, rire et pleurer, avoir peur parfois. La lecture permet de vivre intensément mille vies grâce aux mots qu’on savoure comme un cadeau…

(Re)trouver le plaisir de lire : la liberté avant tout

Daniel Pennac, dans Comme un roman, énumère les « droits imprescriptibles du lecteur » :

Le droit de ne pas lire.
Le droit de sauter des pages.
Le droit de ne pas finir un livre.
Le droit de relire.
Le droit de lire n’importe quoi.
Le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible)
Le droit de lire n’importe où.
Le droit de grappiller.
Le droit de lire à haute voix.
Le droit de nous taire.

Ces libertés changent tout. Lire doit rester une source de plaisir, non une obligation. Il faut accepter qu’un enfant ferme un livre au bout de quelques pages : il apprivoise simplement le geste de lire. L’essentiel est de ne pas en faire un devoir.

C’est aussi le challenge de l’école, où la lecture obligatoire est souvent rejetée d’office par les jeunes lecteurs.

Les bons réflexes à la maison

Donner l’exemple de la lecture

Les enfants reproduisent ce qu’ils voient. Si vous lisez, même dix minutes par jour, vous transmettez un modèle silencieux, mais puissant. Un parent plongé dans un roman donne la meilleure des leçons.

Créer un rituel simple de lecture parent-enfant

Inutile d’imposer un horaire fixe. Un moment calme après le dîner, un quart d’heure dans le canapé, une histoire partagée avant le coucher, un week-end sans télé : ces petits rituels, répétés, tissent un lien durable entre lecture et bien-être.

Laisser le choix des livres

Laissez l’enfant choisir : BD, manga, magazine, roman court ou roman d’aventures, biographie, documentaire… Peu importe le support, du moment qu’il suscite l’envie. Les séries jeunesse (Tom-Tom et Nana, Les Légendaires, Mortelle Adèle ou Chair de poule) fonctionnent comme portes d’entrée à d’autres lectures.

Un lecteur se construit en liberté et forge son goût au fil de ses propres découvertes. Vous pouvez conseiller des lectures, mais certains enfants refusent toute suggestion directe. Laisser traîner un livre ou le présenter subtilement suffit souvent à éveiller l’intérêt.

Accompagner sans surveiller

Plutôt que « tu as fini ton livre ? », demandez « qu’est-ce que tu en penses ? » ou « qu’as-tu aimé dans cette histoire ? ». On parle alors d’un univers, pas d’une performance. Lire les mêmes ouvrages que ses enfants donne l’occasion de discuter avec eux, comparer vos avis. Cela crée une véritable connivence.

Quand lire est difficile : miser sur les bons outils

Certains enfants résistent. Parce qu’ils ont un a priori très fort contre la lecture. Ou parce que la lecture est réellement ardue : dyslexie, fatigue visuelle, manque de fluidité. Pour eux, les solutions numériques peuvent être un tremplin pour les réconcilier avec les mots.

ARBS propose aux parents et enseignants l’accès à deux ressources numériques de lecture :

  • Sondo : bibliothèque numérique inclusive qui propose une large sélection de livres de littérature jeunesse, classique et contemporaine. Les textes sont adaptés et enrichis d’outils d’aide à la lecture. Les mots sont agrandis, les syllabes colorées, et la mise en page est présentée par segments. Un réel soutien pour les enfants dyslexiques ou allophones.
  • YouScribe offre des milliers de livres et de livres audio jeunesse. On y trouve de tout : contes, documentaires, romans. L’enfant choisit selon son humeur : lire ou écouter.

Ces outils complètent le papier et ouvrent de nouvelles portes. Le numérique ou le livre audio ne sont pas ennemis du livre imprimé, mais des moyens supplémentaires d’appréhender la lecture.

Encourager la lecture des enfants à chaque âge

La relation à la lecture évolue avec l’enfant. À chaque tranche d’âge correspond un rythme, des besoins et des formats adaptés. L’objectif : favoriser le plaisir et la curiosité, sans imposer ni juger.

Avant 6 ans : lire pour l’enfant

À cet âge, l’enfant ne lit pas encore seul, mais absorbe le langage, le rythme et les images. La lecture partagée crée un moment de complicité :

  • Albums illustrés : images riches et colorées pour stimuler l’imaginaire.
  • Comptines et rimes : mémorisation du vocabulaire et musicalité des mots.
  • Histoires du soir : privilégier la voix, le ton et les expressions plutôt que le texte.

Astuce : poser des questions simples et ouvertes sur les images ou le récit (« Que fait le chat ? », « Que penses-tu qu’il va se passer ? ») pour développer l’attention sans pression.

Entre 7 et 11 ans : encourager l’autonomie du lecteur

L’enfant commence à lire seul, mais apprécie encore la lecture accompagnée. C’est la période où l’autonomie se construit et où le goût de lire peut vraiment se consolider :

  • Lecture à deux voix : chacun lit un chapitre ou alterne lecture et commentaire.
  • Petites séries : collections adaptées à l’âge (ex. Tom-Tom et Nana, Les Légendaires) qui permettent de retrouver des personnages et des univers familiers.
  • Livres variés : proposer plusieurs titres et laisser l’enfant choisir celui qui l’inspire.

Astuce : valoriser chaque lecture, même courte, et créer de petites discussions autour de l’histoire. L’enfant apprend à exprimer son avis et à construire son rapport aux textes. Vous pouvez aussi « traîner » en librairie avec votre enfant. Rares sont ceux qui ne se laissent pas tenter par un album !

À partir de 12 ans : diversifier les formats de lecture

L’adolescence est une période de transition. La lecture devient parfois moins régulière, concurrencée par les réseaux, les jeux et la vie sociale. Pour garder l’intérêt :

  • Romans graphiques et bandes dessinées longues : allient image et texte et séduisent ceux qui lisent moins.
  • Podcasts narratifs et livres audio : pour découvrir des histoires lors de trajets ou moments calmes.
  • Romans contemporains ou fantasy : thématiques proches de leurs centres d’intérêt (amitié, identité, aventure).
  • Mangas : très prisés par les adolescents, avec un choix de styles et niveaux très variés.

Astuce : ne pas imposer un format unique. Que l’adolescent lise en audio, en BD ou en roman, il lit toujours. L’important est que la lecture reste synonyme de découverte et de liberté.

À retenir

  • Inspirer plutôt que contrôler.
  • Laisser les livres traîner dans la maison.
  • Varier les supports : papier, audio, numérique.
  • Lire soi-même, un peu, souvent.
  • Et ce soir, éteindre les écrans et ouvrir un livre avec son enfant. L’envie de lire commence là.

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